Plus je vieillis et plus je trouve les gens sérieux superficiels, disait l'autre. Je souscris complètement à ce sentiment.

Il se trouve que j’apprécie depuis longtemps un certain nombre de chanteurs qui me font marrer. C'est comme ça. Cela a commencé avec Boby Lapointe, puis Ricet Barrier, Pierre Perret, et ça n’a jamais cessé depuis, pour continuer aujourd’hui avec les Vincent Baguian, Pat Bol, Gérald Genty, Olivier Marais et tant d'autres...

Je vous invite à aller les écouter dare-dare, si jamais vous ne les connaissez pas encore (c'est facile, yaka cliquer sur les noms !)

Vincent BAGUIAN	Pat BOL	Gérald GENTY	Olivier MARAIS

Et qu'on n'aille pas me dire que "chanteur marrant" signifie forcément "comique troupier" ! Justement, je suis musicien au départ (bien avant d'écrire des textes), et j'ai l'impression de m'éclater avec beaucoup de genres musicaux et de chanteurs (et teuses) différents... le hic c'est qu'il y en a aussi beaucoup d'autres qui m'ennuient à mourir. Comme par hasard, ils font toujours partie de ceux qui sont entourés d'une aura d'un certain sérieux, vous savez, celui qui se croit authentique tout simplement parce qu'il est triste à mourir, ou ridicule à pleurer (l'humour des chanteurs marrants est volontaire, lui au moins). Quand cela s'accompagne d'une indigence d'imagination et de sens artistique plus que douteux, c'est le bouquet. Apparemment il y a un public pour ça, alors bon, je respecte, hein ? Mais en retour je réclame un droit au respect pour les chanteurs marrants, na !

Car ils ont souvent bien des atouts qui méritent bien plus qu'un regard amusé ou une moue condescendante : textes sympas, empreints de légèreté, drôles sans être lourds, bien écrits sans être chiants, arrangements souvent très travaillés sur des musiques originales, agréables et sympas qui restent longtemps dans l'oreille sans pour autant coller au palais...

Je voudrais rendre ici hommage à leur simplicité, leur air de "ne pas y toucher" comme on dit, alors qu'en fait le plus souvent, il touchent, précisément, enfin, ils me touchent moi, mon sourire, mon émotion, et en plein dans le mille, même !

Haut les cœurs donc, il faut y croire, rien n'est perdu, avec tous ces héros qui prennent résolument le parti de prendre les choses sérieuses avec légèreté, et les choses légères avec sérieux, car ils ont compris depuis longtemps que "léger" n'est pas du tout le contraire de "profond"...

...C'est juste contraire de "lourd", il était grand temps de le rappeler, voilà qui est fait.

Allez, courage, nous f'rons front :-))))

Biz,

Bernard

PS : Pour ceux que ça intéresse, et pour rester dans le ton, je ne résiste pas au plaisir de reproduire ici le dialogue de Sacha Guitry, tiré de la pièce (puis du film) "DEBUREAU".
Ça date de... 1941 !!!

(...) Adore ton métier, c'est le plus beau du monde !
Le plaisir qui te donne est déjà précieux,
Mais sa nécessité réelle est plus profonde :
Il apporte l'oubli des chagrins et des maux.
Et ça, vois-tu, c'est encore mieux -
C'est mieux que tout, c'est magnifique et tu verras,
Tu verras ce que c'est qu'une salle qui rit,
Tu l'entendras.
Ça, c'est unique, mon chéri.
Oh ! Le bruit que ça fait, tu verras, c'est très beau.
Imagine un très grand silence :
On vient de lever le rideau.
Un silence absolu, complet...
On entendrait voler un imprésario !
Soudain, tu viens de faire une chose qui plaît,
Un geste inattendu, comique... et ça commence
Tout à coup !
Car ça commence d'un seul coup.
Et voilà
Le silence rompu qui vole en mille éclats !
Le public s'abandonne à l'immense rafale
Qui gronde et le secoue -
Et le rire au galop qui traverse la salle
Emporte tout,
Les chagrins, les soucis
Et les peines.
Et comprends bien ceci,
Comprends que c'est pour ça qu'ils viennent.
A ceux qui font sourire on ne dit pas merci -
Je sais, oui, ça ne fait rien,
Sois ignoré.
Va donc laisser la gloire à ceux qui font pleurer.
Je sais bien qu'on dit d'eux qu'ils sont " les grands artistes " -
Tant pis, ne soit pas honoré.
On n'honore jamais que les gens qui sont tristes.
Sois un paillasse, un pitre, un pantin - que t'importe !
Fais rire le public, dissipe son ennui,
Et, s'il te méprise et t'oublie
Sitôt qu'il a passé la porte,
Va, laisse-le, ça ne fait rien,
On se souvient
Toujours si mal de ceux qui vous ont fait du bien !
Mais, peut-être qu'un jour alors tu connaîtras
Ce bonheur ignoré de la gloire éphémère,
Ce bonheur qu'on n'achète pas -
Oui, peut-être qu'un jour tu seras populaire !
Et ça, vois-tu, c'est presque aussi bon que l'amour.

Production : Raymond Borderie et Jean Bérard (C.I.G.C.) - Distribution : Filmsonor
Scénario et dialogues : Sacha Guitry, d'après la pièce Debureau.
Réalisation : Sacha Guitry
Musiques : André Messager et Louis Beydts

Interprètes :
Sacha Guitry, Lana Marconi, Duvaleix, Jeanne Fusier-Gir, Jacques de Féraudy, Michel François, Robert Seller, Béver, Jacques Dérives, Jean Danet, Henri Belly, André Gombert, Morana, Henry Laverne, Andrée Guise, Lucie Fabiole, Claire Brilletti, Françoise Fechter, Christine Darbel.

Durée: 120 mn. Sortie : 29 juin 1951 aux cinémas Le Royal et Le Meliès - Paris.

Source : http://www.geocities.com/Hollywood/Set/8100/frdebu.html